La Zup

La « Zup », c’est la Zup de Limoges. Enfin, en vrai, aujourd’hui, ça s’appelle le quartier du Val de l’Aurence. Mais quand t’es limougeaud depuis un bout de temps, ça reste « la Zup ». C’est le quartier de mon enfance…. [lire la suite]

LA ZUP

Série photos, Limoges, 2019-2020

 

La « Zup », c’est la Zup de Limoges. Enfin, en vrai, aujourd’hui, ça s’appelle le quartier du Val de l’Aurence. Mais quand t’es limougeaud depuis un bout de temps, ça reste « la Zup ».

C’est le quartier de mon enfance. C’était il y a longtemps donc, au début des années 70’s. Ce genre de quartier n’avait pas mauvaise réputation à l’époque, c’était même plutôt chouette. Les souvenirs sont lointains, un peu flous mais je conserve une image très sympa, conviviale, très « bon enfant » de la Zup. On jouait au pied des immeubles, les habitants se connaissaient, se parlaient, se rendaient service. Aucun souvenir de trafic ou de violence quelconque, rien à voir, donc, avec l’image des « quartiers » tels que certains peuvent les percevoir aujourd’hui.

Au-delà du côté « retour à l’enfance », j’aime bien ce quartier. Au niveau photographique je le trouve super intéressant. Je fais de la photo d’architecture ou de la photo de rue pour redécouvrir un environnement que je connais trop bien, qui, sans appareil, pourrait me paraitre lassant, ennuyeux. La Zup c’est un peu ça.

Ce qui m’intéresse c’est de trouver de l’esthétique (perspective, lumière…) dans des bâtiments que plus personne ne regarde (au mieux), voire que tout le monde trouve kitsch ou même franchement moches.

A cette occasion, je me suis d’ailleurs rendu compte que, en architecture (je ne connais rien à cet art, je suis un néophyte complet), il pouvait y avoir un effet « vieille voiture ». Je m’explique. Une voiture quand elle est mise sur le marché, elle nous parait super design, super moderne, super belle (bon, je ne parle pas de la Kangoo… là, niveau design, il s’est passé un truc qui reste un mystère, mais bon, il y a toujours des exceptions). Mais quelques années après, disons, dix ou quinze ans après, la bagnole parait démodée, ringarde. Oui, mais si tu attends 20 ou 30 ans de plus, soudainement, la voiture redevient cool, son look rétro est à nouveau super attractif. C’est un peu le sentiment que je ressens face à certains bâtiments. Bah… si ça se trouve c’est peut-être juste qu’en vieillissant, je deviens plus indulgent avec les trucs un peu décrépis, histoire de pouvoir m’accepter moi même ! Je n’en sais rien. Mais bref, à la Zup, perso, j’ai eu l’effet vieille bagnole. Certaines tours, certains immeubles qui me paraissaient immondes il y a 10 ou 20 ans me paraissent plutôt sympas aujourd’hui (à regarder, hein… pas pour y vivre)

Cette série de photos présente exclusivement des bâtiments. Pourtant la Zup c’est bien plus que ça. Avant d’être des tours ou des immeubles, c’est même surtout des habitants, des personnes de toutes générations, de toutes origines. Pour le coup, dans ce quartier limougeaud, il y a encore une vraie mixité sociale et culturelle me semble-t-il (ce qui n’est peut-être plus tout à fait le cas dans certains « quartiers » des grandes villes comme Paris ou Marseille par exemple… enfin, je n’en sais rien, je ne connais ces quartiers qu’à travers le prisme des médias).

Mais cette série est donc exclusivement constituée de photos d’architecture.

J’explique ce choix (enfin j’essaie) par deux raisons :

  • Mon désir, au départ, était de retrouver le cadre de vie de ma tendre enfance, l’immeuble ou j’ai grandi, les tours que je voyais tous les jours, mon école maternelle (l’école Marcel Madoumier, toujours là, presque inchangée). Un désir un peu nostalgique (de la « nostalgie heureuse »). Et ça a fonctionné. Le fait de ma balader dans ce quartier, d’observer avec attention ces bâtiments auxquels je ne prêtais plus vraiment attention depuis longtemps, a fait ressurgir des vieux souvenirs enfuis, des souvenirs heureux, et c’était très chouette.
  • Et puis je n’habite plus ce quartier depuis longtemps. Photographier des groupes de jeunes qui discutent (ou qui dealent) au pied d’un immeuble peut être perçu comme une agression si les mecs ne te connaissent pas. Et je n’avais, pour cette série, ni envie d’embêter les gens ni d’être embêté. Je voulais du zen, du serein, du plaisir, de la madeleine de Proust photographique. Et ça a été le cas. Une fois, un mec m’a suivi pendant une de mes séances de shooting. Il me suivait à bonne distance mais je l’entendais quand même parler dans son téléphone : « Non, non il fait des photos des immeubles, c’est tout ». J’ai été suivi et surveillé pendant quelques dizaines de minutes mais je n’ai pas été emmerdé le moins du monde, je n’ai jamais ressenti le moindre sentiment d’insécurité.

 

J’ai malgré tout réalisé des clichés de personnes à la ZUP (les personnes restent anonymes… ombres, silhouettes, photographiées de dos… à la fois pour des raisons esthétiques et légales) dans la série « l’ombre du consommateur« . Mais, bien que prises vers un centre commercial situé à la Zup, ces photos n’entrent pas dans cette série. Elles sont différentes, elles auraient pu être prise d’un peu n’importe quel quartier, bref l’approche est différente.